En regardant les motos comme la Vyrus
de Ascanio Rodorigo ou la Millone
by NCR (récemment appuyée de l’autre exclusive
Macchia
Nera), on pourrait penser que la passion pour la marque de Borgo
Panigale, et de manière particulière pour les réalisations
spéciales sur base Ducati, débouche uniquement pour
les représentants de l’école italienne.
Il est bon de préciser tout
de suite que nous ne sommes pas en train de parler de simples motos
de salon, dont le but est d’étonner les spectateurs avec
des chromes et accessoires divers, mais plutôt d’objets
dotés d’une identité propre accouchant d’esprits
passionnés desquels s’est allumée une ampoule
au-dessus de la tête. Personnages à la John
Britten, authentiques génies de la mécanique, qui
avec une paire de pince et une bonne soudeuse étaient capables
de réparer un carter.
Personnes un peu folles, habituées
à dormir n’importe où, à manger sur le
pouce et à tout faire pour réaliser leur propre rêve.
Je me souviens du Dr.
John, le dentiste américain qui un jour à tout lâché
pour donner libre cours à sa passion pour les Guzzi, ou notre
Umberto
Borile, ex-restaurateur se lançant corps et âme dans
la fabrication de beaux monocylindres qui portent son nom. En somme,
ils ne sont pas nombreux ceux qui ont donné vie aux prototypes
entrés directement dans l’histoire de la moto, et les
peu qui restent semblent appartenir à nos frontières.
Nous le pensions nous aussi, jusqu’à
ce que nous ayons vu l’exemplaire reproduit sur les pages suivantes.
Traitant d’un « matériel » français
d’origine desmodromique, que nous avons déniché
par hasard dans un
box du Club Ducati Races à Assen. Et pourquoi, diriez-vous,
publions nous maintenant cette information alors que la manifestation
en question s’est déroulée il y a presque un an
déjà ? Simplement, parce qu’à l’époque,
le bicylindre qui était à mi-chemin entre la poignet
de gaz et la roue arrière, n’était pas celui de
notre "Pompone" préféré, mais un vulgaire
« succédané » japonais (1).
Mais, on voit qu’entre-temps,
le courageux et travailleur auteur de tout ça se rendit compte
de l’erreur colossale, provenant de la substitution de l’unité
motrice. Alors après d’insistantes pressions, nous avons
réussi à obtenir les premières images de cette
inédite spéciale d’Oltralpe, animée comme
nous disions du puissant bicylindre Ducati 4 soupapes.
Orgueil national mis à part,
le motif de l’intérêt majeur lié à
cette réalisation ne concerne pas le, Ô combien noble
soit-il, moteur en V à 90°, mais le choix particulier en
terme de partie cycle. Comme peut-être vous l’aurez remarqué,
le train avant n’est pas caractérisé par une fourche
traditionnelle, ni par un gros bras oscillant comme celui utilisé
sur la Bimota
Tesi puis sur la Vyrus dont nous parlions précédemment.
Le schéma, dérivé
de l’automobile est appelé JBB Concept et c’est
la première fois (et pour l'instant même l'unique) qu’elle
a été appliquée sur une moto de route. Ce n’est
pas tout : pensez qu’une idée pareille a été
brevetée et homologuée pour la circulation routière.
Le projet, son étude sur plan,
a débuté vers l’année 1999, alors que sa
réalisation a commencé deux ans plus tard. Actuellement
il existe un seul prototype, mais deux modèles différents
: un
avec un design propre et un
autre avec une grande partie des composantes dérivées
de la 996 SPS.
Mais qui se cache derrière tout
ça ? En réalité, il ne s’agit pas d’une
seule personne, mais d’une équipe de spécialiste,
quatre en tout, qui ensemble ont donné vie à tout ceci.
RenNa, est le nom qui synthétise le travail de Jean-Bertrand
Bruneau (qui a imaginé la suspension avant), Yves Kerlo (savoir-faire
Reflex, réalisateur), Jean-Michel Tarallo (designer) et Renzo
Gautelier (chef de projet).
Ce dernier étant un peu le ciment
du groupe, celui qui a porté et animé le projet jusqu’à
ce que se matérialise la concrétisation de tant d’effort.
C’est vraiment Renzo qui nous
a expliqué les motifs techniques et la passion qui l’ont
poussé à la réalisation de ce projet. Concernant
la suspension avant : en regard d’une fourche télescopique
traditionnelle, le système JBB garantit une meilleure répartition
des efforts auxquels est soumis le châssis.
Les contraintes sont en fait réparties en deux points (outre
plutôt éloignés l’un de l’autre) et
pas uniquement sur la tige de direction, en conjurant des éventuelles
flexions et torsions. De cette façon, la précision du
guidage augmente et le débattement de la roue avant (de 130mm)
n’a pratiquement aucune influence sur la variation de l’empattement
(de 1400 mm). Le système ainsi paré est caractérisé
par une action progressive qui garantit la totale indépendance
entre la fonction de direction et celle de suspension.
Ensuite sur le plan des réglages,
le concept JBB permet d’intervenir rapidement sur la géométrie
de la direction (chasse et empattement) sans rien remplacer.
Cette caractéristique technique importante a imposé
la réalisation d’un châssis ad hoc, qui de toute
façon maintient une architecture en treillis tubulaire en acier
identique à celle adoptée par les bicylindres Ducati
de série.
La suspension avant agit sur un amortisseur
Öhlins réglable, disposé de manière horizontale
à gauche des corps à papillon de l’injection.
Derrière nous avons en revanche un schéma de type traditionnel,
qui reprend en pratique la composition originale de la 996 SPS, avec
un monobras et amortisseur Öhlins. La boucle arrière est
en aluminium et a été réalisé spécialement
pour la RenNa, comme le disque et l’installation du frein avant.
Ce dernier possède un seul disque
de 330 mm sur lequel agit un puissant étrier en magnésium
à 6 pistons, tandis que le disque et l’étrier
arrière font partie du « patrimoine » de la 996.
De série, ou quasiment, même
le moteur, a une boîte à air différente (modifié
en raison du nouveau châssis) et un système inédit
d’échappement en alu et acier inox avec un silencieux
à quatre sorties (même si le développement des
collecteurs suit le schéma classique d’un 2 en 1), gardant
la spécificité de la Ducati, avec une puissance maximale
de 123 Cv à 9.5OO tours.
La partie esthétique a été
pensée de façon beaucoup plus originale. Le design est
décidément innovant même si quelques solutions,
comme le groupe optique avant à 2 éléments superposés
et la mince coque arrière appuyée sur le volumineux
silencieux d’échappement, rappellent un peu la 999 (2).
Là où la RenNa se distingue
comparée à la sportive de Pierre Terblanche, c’est
sur le plan de la capacité : 20 litres d’essence réserve
comprise, tandis qu’à sec cet insolite mélange
italo-français pèse à peine 180 kg.
Malgré les images qui sont d’excellente
qualité, il y a de notre part une grande envie de voir la moto
en dynamique, vu que, comme il arrive souvent, les sujets traités
en photo se révèlent encore plus beaux dans la réalité.
Une telle opportunité pourrait
se présenter à l’occasion du WDW 2004 auquel Renzo
pense participer en compagnie de sa « créature ».
Du reste, le certificat d’homologation de la RenNa paraît
clair : « Véhicule conforme à la norme du code
de la route ». Les policiers sont prévenus…